#9 - La réunion, entre perte de temps et levier de performance
Optimisez vos réunions pour qu'elles deviennent un moteur de réussite
J’ai souvent eu le sentiment de perdre mon temps en réunion.
Je n’ai jamais été dans la Team des bons élèves.
Je m’y ennuyais tellement que je les utilisais comme un moyen de gagner du temps sur la tâche d’après : relire un courrier, gérer une situation avec un site, traiter mes mails pour en faire baisser la pile. Ou même converser en SMS persos.
Je n’en suis pas très fière.
Le summum de mon désintérêt a été atteint lorsque j’ai dû participer à des comités de direction chaque semaine. La réunion durait de 9h à midi chaque lundi. Ma supérieure hiérarchique donnait la parole à chaque cadre qui racontait sa semaine. Pas d’ordre du jour, pas de temps de parole, pas de compte-rendu.
Elle avait établi une règle : elle commençait par ceux qui travaillent sur le coeur de métier. Dans l’administration pénitentiaire, on parle des services en charge des personnes détenues ou placées sous main de justice.
Je ne faisais pas partie de ces gens-là. Moi j’étais dans la soute avec les galériens. Comprenez : ceux qui s’efforcent de donner les moyens pour fonctionner : le budget, les RH, les systèmes d’information, la maintenance immobilière.
Nous ne pouvions donc prendre la parole que lorsque les métiers avaient épuisé leurs sujets. A la fin du tour de table, il nous restait un temps minimum pour dire ce que nous avions à dire.
A ce moment-là de la matinée, ma boss avait quitté la réunion pour d’autres occupations. Et mes collègues trépignaient pour partir déjeuner.
ça me rendait folle !
Pourquoi Continuons-nous à Nous Réunir ?
Les réunions sont profondément ancrées dans notre culture professionnelle. Elles répondent à plusieurs besoins : communication d'information, prise de décision collective, renforcement de la culture organisationnelle et résolution de problèmes complexes.
Selon une étude de Doodle de 2019, les entreprises perdent environ 541 milliards d'euros par an à cause de réunions improductives, ce qui souligne l'importance de la réforme de nos pratiques.
Pourrait-on se passer des réunions?
L'évolution des outils numériques a ouvert la porte à de nombreuses alternatives : e-mails, plateformes collaboratives et autres outils de gestion de projet.
Cependant, certaines situations nécessitent encore l'interaction humaine directe : les discussions stratégiques, les conflits nécessitant une médiation et les sessions de brainstorming en sont des exemples.
Notre rapport à la réunion
En réalité, la situation est plus complexe et sournoise que ça, notamment en raison de l’ambivalence des salariés français dans le rapport à la réunion
La réunion en France : je t’aime, moi non plus
Les réunions sont une composante essentielle du monde professionnel, mais leur inefficacité et leur nombre excessif peuvent poser des défis aux collaborateurs.
Selon une étude de 2023 menée par YouGov et Comet, un salarié participe en moyenne à 17,7 réunions par semaine, et un cadre passerait plus de temps en réunion qu'en vacances. Ces réunions sont souvent critiquées pour leur longueur, leur manque d'efficacité et leur fréquence excessive.
Avec l'évolution du Future Of Work, certaines voix se font entendre pour remettre en question leur importance et chercher des alternatives plus efficaces.
Les données du problème révèlent un double constat : d'un côté, une critique omniprésente des réunions pour leur inefficacité, et de l'autre, une majorité de Français qui reconnaissent malgré tout leur utilité.
D’ailleurs il existe de nombreuses situations où être convié à une réunion participe du statut social dans l’organisation.
Avec cette expérience malheureuse du CODIR racontée plus haut, j’avais proposé de réduire le nombre de participants.
L’utilité de cette instance était questionnée. Certains exposaient leurs difficultés du moment et cherchaient à en débattre tandis que d’autres se contentaient de développer l’agenda de la semaine.
Je me suis vite rendue compte qu’interroger la présence d’un cadre à cet échange assez improductif était vécu comme une remise en cause de sa place dans l’organisation. Alors même que les intéressés passaient souvent leur temps à traiter leur mail sans écouter les prises de parole de leurs collègues.
Nous avons fini par maintenir le nombre de participants mais à fixer un cadre pour qu’elle ne dure pas plus d’1h30.
Ce que dit le référentiel 2024 de l’Observatoire de l’Infobésité et de la Collaboration Numérique (OICN) sur le sujet
La réunion selon le personae
L'analyse des données du Référentiel annuel 2024 de l'OICN révèle des disparités significatives dans l'expérience des réunions selon les rôles.
- Les collaborateurs sont en moyenne invités à 6h47 de réunions par semaine
- Les managers consacrent 14h52 par semaine aux réunions.
- Les dirigeants cumulent 25h28 de réunions hebdomadaires et subissent 32 "journées de tunnels de réunions” par an. Ils envoient 22% de leurs mails durant ces temps d’échange.
Le portrait-robot de la réunion
Le portrait-robot de la réunion complète ce tableau en soulignant que 3,4 personnes participent en moyenne à chaque réunion.
La réunion dure en moyenne 1h27.
Les français préfèrent d’ailleurs ne pas répondre à une invitation dans 1 cas sur 4 plutôt que d’opposer un refus pur et simple, dans seulement 5% des cas. On n’aime pas trop les râteaux :)
Ces données révèlent une pression croissante liée aux réunions, plus forte chez les dirigeants, impactant significativement leur temps de travail et leur concentration individuelle.
Quelles pratiques de la réunion chez nos voisins européens ?
Les pratiques en matière de réunions varient considérablement en Europe. Dans les pays nordiques (Suède, Norvège), la culture privilégie l'efficacité et la productivité : les réunions sont courtes, bien structurées et orientées vers la prise de décision rapide, optimisant ainsi la gestion du temps et l'implication des participants.
L'Allemagne accorde aussi une grande importance aux réunions comme outils de communication, mais exige une planification rigoureuse et des objectifs mesurables, limitant ainsi les réunions inutiles et maximisant leur impact.
À l'inverse, en Italie et en Espagne, les réunions intègrent souvent une dimension sociale, où la convivialité et les échanges informels occupent une place importante, ce qui peut parfois nuire à la rapidité du processus décisionnel.
Quel(s) reproche(s) à la réunion en France ?
En France, les principales critiques concernant les réunions portent sur leur durée excessive et leur manque d'efficacité.
Nombreuses sont celles qui s'éternisent sans objectifs clairs ni résultats tangibles, laissant les participants démotivés et frustrés par un manque de bénéfices concrets. Cette situation est aggravée par le nombre élevé de réunions participant aux salariés français chaque semaine, comme le souligne l'étude YouGov/Comet de 2023.
Il existe 4 maux de la réunionite :
· Le débordement avec des réunions qui se chevauchent
· Le tunnel de réunions avec des réunions qui s’enchainent les unes après les autres sans respiration
· Le multi-tâches avec des réunions durant lesquelles on envoie des mails
· Le hacking d’agenda avec des réunions organisées le jour-même
D’où vient la réunionite ?
Le paradoxe entre la fréquence élevée des réunions en France et les critiques fréquentes quant à leur inefficacité s'explique par plusieurs facteurs.
La culture d'entreprise française valorise fortement la réunion comme espace privilégié d'échange et de décision, la considérant comme essentielle pour la discussion des projets, l'alignement des équipes et le maintien d'un climat collaboratif.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette tendance à laisser libre cours aux échanges en réunion, sans chercher à les canaliser vers plus de productivité.
On peut s'appuyer sur les travaux de Karl Weick et sa théorie de l’énaction.
Weick explique que la réalité organisationnelle n'est pas objective, mais construite à travers les interactions et interprétations des acteurs. Dans ce contexte, une réunion peut devenir un espace pour créer du sens, où l'exploration des idées, même si elle semble dispersée, contribue à la construction collective du sens et à la cohésion du groupe.
Laisser libre cours aux échanges peut alors répondre à un besoin de sécurité psychologique, permettant aux membres de s'exprimer sans crainte du jugement. De plus, l'absence de cadre strict peut être perçue comme un signe de confiance et d'autonomie, favorisant un sentiment d'appropriation et une plus grande implication.
Néanmoins, il est crucial de noter que cette approche, tout en favorisant la créativité et la collaboration, peut également engendrer un manque d’efficacité et une perte de temps importante si elle n'est pas contrôlée.
Contrairement à l'approche de Weick, certains auteurs, comme ceux axés sur les approches critiques du management, pointeraient les conséquences négatives de réunions inefficaces laissant libre cours aux échanges.
Ces réunions, loin de favoriser un "sens-making" constructif, peuvent au contraire générer de la frustration, de l'incertitude et un sentiment d'inutilité chez les participants.
L'absence de structure et d'objectifs clairs conduit à des discussions décousues, à des digressions permanentes et à un manque de prise de décision.
Dans mon ancien métier je disais de certains collègues qu’ils « sculptaient la fumée »
Le temps perdu, loin d'être un facteur de cohésion, peut au contraire créer de la tension et du ressentiment, sapant la motivation et le moral des équipes. Ces réunions inefficaces produisent une forme de "déréliction collective", où le manque de résultats tangibles renforce un sentiment d'impuissance et de méfiance vis-à-vis du management et du processus décisionnel lui-même.
L'énergie et la créativité potentiellement mobilisées sont alors gaspillées, freinant la performance collective.
Au lieu de construire du sens, ce type de réunion contribue à une dégradation du climat de travail et à une perte de confiance mutuelle.
Quels conseils pour faire de vos réunions des espaces utiles et performants
Une comparaison avec les pratiques européennes révèle des pistes d'amélioration pour des réunions plus efficaces et enrichissantes pour tous les participants.
Parmi les conseils, voici ce qui peut être formulé pour conduire des réunions plus efficaces :
Gérer le flux d'information en diversifiant les canaux,
Optimiser les réunions en réfléchissant à leur nature et leur objectif
1. Fixer des objectifs Clairs et Précis : chaque réunion doit avoir des objectifs spécifiques et mesurables. Définissez-les à l'avance et partagez-les avec les participants.
2. Liste des Participants Pertinente : Invitez uniquement ceux qui apporteront une réelle valeur ajoutée ou qui sont directement concernés par les sujets abordés.
3. Durée et Agenda Stricts : Fixez une durée précise et respectez-la. Un ordre du jour bien préparé et pertinent doit être suivi de près pour éviter les digressions.
Séquencer les points d'équipe de manière structurée,
Favoriser la coresponsabilité en répartissant les rôles clés au sein des réunions.
1. Désignez un responsable pour chaque point de l'ordre du jour, et assurez-vous que des décisions claires sont documentées et que des actions de suivi sont mises en œuvre.
2. Encouragez la participation active et valorisez les contributions de tous les participants. Utilisez des techniques de facilitation modernes pour dynamiser les échanges.
Vers des Réunions Riches de Sens
Intégrer ces pratiques peut transformer vos réunions de temps perdu en véritables moteurs de succès organisationnel. La clé est de voir chaque réunion comme une opportunité de progression plutôt que comme une obligation rituelle.
Et si le fait de repenser la manière dont les réunions sont organisées permettait de réinterroger les pratiques managériales et collaboratives pour une plus grande efficacité et une meilleure utilisation du temps de travail ?
Zoom sur… la loi des 2 pieds
De quoi s’agit-il ?
Si tu n’es pas en train d’apprendre, ou bien de contribuer, alors tu peux utiliser tes deux pieds pour aller apprendre, ou contribuer, ailleurs
Comment ?
Théorisée par Harrison Owen, dans son livre Open Space Technology, voici les grands principes :
Demander en amont l’ordre du jour lorsqu’on est invité
Demander quelle est notre contribution attendue
Pendant la réunion, prendre la parole pour recentrer les échanges sur l’ordre du jour,
Demander de façon polie et bienveillante à quelle heure l'équipe peut passer au point suivant
Partir avant la fin pour apporter sa contribution sur une autre tâche si le contenu ne présente pas d’intérêt particulier pour soi et pour l’organisation
Y a pas que le travail dans la vie
Les graines du figuier sauvage de Mohammad Rasoulof
Film iranien récompensé au Festival de Cannes de 2024 sorti le 18 septembre 2024
Le pitch
Iman vient d’être promu juge d’instruction au tribunal révolutionnaire de Téhéran quand un immense mouvement de protestations populaires commence à secouer le pays. Dépassé par l’ampleur des évènements, il se confronte à l’absurdité d’un système et à ses injustices mais décide de s’y conformer. A la maison, ses deux filles, Rezvan et Sana, étudiantes, soutiennent le mouvement avec virulence, tandis que sa femme, Najmeh, tente de ménager les deux camps. La paranoïa envahit Iman lorsque son arme de service disparait mystérieusement...
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La Brève du Leader, pour les leaders éclairés
Et encore, Caroline, vous ne devez pas avoir connu les réunions où il était possible de fumer 🤪